Historique

L’Inter-associatif Européen de psychanalyse a maintenant une longue histoire…
Compliquée, complexe. Histoire d’un mouvement, histoire d’enjeux et de jeux entre des associations différentes, n’ayant pas la même histoire, la même filiation analytique, la même langue…
Et grâce à cela, l’Inter-associatif continue…

L’Inter-associatif s’est constitué à partir d’un projet, ou plutôt d’un désir : « mettre au travail, entre analystes, l’hétérogène né de l’appartenance à des lieux institutionnels divers ».
Mais il n’a véritablement pris forme que par réaction aux coups venant de l’extérieur ; sa création est la réaction à une attaque visant à discréditer les analystes qui se référaient à l’enseignement de Lacan.
Cela a constitué deux orientations qui, me semble t-il, existent toujours dans l’Inter-associatif : l’une qui donne comme vocation principale à l’Inter-associatif « la mise au travail, entre associations, de l’hétérogène né de l’appartenance à des lieux institutionnels différents » et une seconde, qui s’attache à une position plus politique et qui attendrait de l’Inter-associatif qu’il prenne place et position dans les institutions de la cité…

« A quoi sert l’Inter ? » nous demanderons-nous dans cet atelier du séminaire de juin 2010 ?Peut-être que ce début d’histoire de l’Inter-associatif nous donnera quelques éléments …

J’espérais pouvoir en retracer les grandes lignes au moins jusqu’à l’Agora du 27 mars 2004, débat public, organisé par plusieurs associations membres de l’I-AEP, qui s’annonçait ainsi :

« Psychanalystes, membres d’associations de l’I-AEP, nous prenons acte d’une crise qui nous convoque et à l’égard de laquelle nous sommes actifs. Alors que la donne politique et sociale se modifie dans plusieurs secteurs de la société […], nous souhaitons parler ensemble, avec divers interlocuteurs, de ce qui nous concerne et de ce qui nous dépasse aujourd’hui ».

Actuel, non ?

Michèle Skierkowski

L’histoire commence bien avant la création de l’inter-associatif ; faisons la débuter, pour le moment, avec le lieu X.

Après la dissolution de l’Ecole Freudienne de Paris, les psychanalystes qui n’ont pas rejoint l’Ecole de la cause freudienne se trouvent dispersés dans de nombreuses associations.
Malgré cette dispersion, les liens de travail, de transfert et d’amitiés demeurent entre bon nombre d’entre eux.
Les uns et les autres poursuivent le travail autour de la transmission de la psychanalyse « laïque », des ses enjeux et de ses moyens.

La question de la passe, laissée en héritage à tous les psychanalystes qui se réfèrent à l’enseignement de Lacan, qu’ils la reprennent, la critiquent ou la refusent constituera un des points nodaux de la création de l’Inter-associatif de Psychanalyse.

Mais avant l’Inter-associatif avait été créé un dispositif inter-associatif, le lieu X, regroupant des analystes d’associations issues de la dissolution pour lesquelles la passe était toujours de mise. Dispersés dans plusieurs associations, des analystes se retrouvent donc autour de cette question de la passe et créent le lieu X : dispositif de passe reposant sur un point qui faisait accord entre ces analystes : la non désignation des passeurs par leur analyste. La place du passant était donc centrale, puisqu’il choisissait deux passeurs et tirait au sort un jury.
Ce dispositif a fonctionné pendant à peu près trois ans et c’est de ce cadre là qu’est né Passerelle.

Janvier 1986 : Engagés dans ce travail autour de la passe, Michel Guibal et Alain Didier-Weill décident de créer ce qu’ils nommeront le groupe « Passerelle ».
A.D. Weill contacte les responsables des associations issues de l’EFP (excepté l’Ecole de la Cause Freudienne), et leur propose une rencontre mensuelle d’échanges sur les travaux en cours dans les différentes associations et sur la vie interne des associations.
Dans un premier temps, P. Delaunay et M. Guibal (Ateliers de Psychanalyse), C. Azouri (CFRP), C. Dumézil (CCAF) donnent leur accord, suivis de J. Hassoun (Cercle Freudien), P. Landman (Convention Psychanalytique), J. Szpirko (Errata).
Alice Cherki, P. Ginesy, Lucien Méleze, JJ. Moscovitz, P. Lévy, P. Salvain, G. Sarmiento, les rejoindront.

Les réunions « Passerelle » sont une expérience qui consiste « à proposer aux différentes associations [issues] de l’ex-EFP, de mettre au travail, entre analystes, l’hétérogène né de l’appartenance à des lieux institutionnels divers ; de prendre en compte également la part non-institutionalisable de l’analyste, la part de désir en lui, qui échappe à son appartenance moïque à un groupe donné. Passerelle a fait le pari d’essayer de substituer, à l’hétérogénéité de groupes ne se parlant pas, une hétérogénéité fondée sur une parole de lien social. »

Toutes les associations ne sont pas favorables à ce projet mais laissent néanmoins certains de leurs membres y participer.

Les aléas de l’histoire de l’Inter-associatif sont liés pour une grande part aux assauts toujours renouvelés à l’égard de ce que nous appelons « la psychanalyse laïque », ainsi en Janvier 1989 : Une campagne de presse nationale  va mettre en cause les psychanalystes qui ne répondent pas aux critères de formation de la SFP ; la référence à Lacan est suspectée d’escroquerie et considérée comme dangereuse : « […]jamais la pratique lacanienne n’a été acceptée hors des sociétés lacaniennes. Une telle technique, qui ignore les problèmes de cadre (constantes de la pratique), qui laisse au psychanalyste un arbitraire insupportable (pratique de la scansion et des séances courtes), l’amenant à imposer au patient un mutisme systématique, à interrompre brutalement la séance sans prendre en considération son degré de régression, sa souffrance, et son analysabilité, parfois à lui faire violence au sens propre, est toujours considérée par les autres psychanalystes comme inacceptable. Certains n’ont pas hésité à la qualifier d’escroquerie. »

A. Green – « Un mythe : la psychanalyse française » – Janvier 89.

C. Comté et C. Dumézil invitent à titre individuel les responsables des associations, les membres de Passerelle et Gérard Pommier à répondre à ces attaques. J. Clavreul propose une lettre de réponse acceptée par tous et propose un colloque inter-associatif.
La nécessité d’un engagement au nom des institutions apparaît alors et 7, puis 8 associations mandatent des représentants : CCAF, CFRP, Cercle Freudien, Convention Psychanalytique, le Mouvement du Coût Freudien, Errata, la Fédération des ateliers de Psychanalyse et Psychanalyse Actuelle. Ils décident de la date du colloque, du style du travail et des thèmes.
Si « l’Inter-associatif se définit alors comme un groupe de réflexion et un organe de liaison permanent ouvert à toute personne et à toute institution intéressée » les attaques et remises en question de la psychanalyse qui s’oriente à partir de l’enseignement de Lacan le conduisent à prendre ou à tenter de prendre une position plus politique.

L’Inter-associatif se dote d’un bulletin : Bulletin de l’Inter-Associatif de psychanalyse, dont le premier numéro paraît en octobre 1991. Y figure sur toutes les pages et en bandeau : « Nous sommes dans un temps nouveau pour la psychanalyse ».
« Le bulletin aura non seulement pour fonction d’être l’organe d’informations de l’interassociatif, mais il aura encore pour objet de mieux vous associer aux enjeux que l’Interassociatif soutient et met en place, par les associations qui le composent. »
Trois numéros sont prévus dans l’année, ils sont élaborés par 4 personnes issues de 4 associations tirées au sort.

Un second colloque est immédiatement envisagé pour octobre 91 : « L’enseignement de Lacan, 10 ans après », ainsi que la constitution de séminaires, « comprenant des représentants de différentes associations, afin de réactiver les questions théoriques et cliniques entre nous ».
Ce sont maintenant 10 associations qui travaillent à la préparation de ce colloque : en effet l’Association Freudienne et les Séminaires psychanalytiques de Paris ont rejoint l’Inter-associatif.

Les années 91 et 92 vont être le moment de débats et de crises au sein de l’Inter-associatif, et dans cette même période vont apparaître le signifiant « européen » et la volonté de ne plus limiter l’Inter-associatif aux associations françaises.

La question de l’ouverture de l’Inter-associatif aux associations européennes était posée mais elle va prendre davantage de consistance du fait de la création de la Fondation Européenne de Psychanalyse (16 juin 1991).
Certains des membres fondateurs de la Fondation Européenne sont aussi les délégués de leur association à l’Inter-associatif. Des associations vont ainsi se trouver divisées par la question que pose la création de la Fondation même si la compatibilité des deux a pu être soutenue avec les arguments suivants : la Fondation cherche à fédérer des personnes et l’Inter-associatif des associations ; la Fondation ne s’occupe pas de la formation des analystes, au contraire des associations qui forment l’Inter.
La crainte d’une confusion, voire d’une assimilation de l’une à l’autre va conduire l’Inter-associatif à resserrer son objet sur les associations et leur lien.
La Fondation se déclarant Européenne va précipiter l’Inter-associatif dans la concrétisation de ce projet de contacter les associations européennes pour tenter de les intéresser au projet inter-associatif.

La question de l’internationalisation des mouvements psychanalytiques ne se pose pas uniquement à l’échelle française, ou européenne.
Depuis 1987, 18 écoles d’Amérique du Sud organisent une rencontre annuelle dite « lacano-américaine », la première avait eu lieu en Uruguay, la seconde au Brésil et la troisième en Argentine (octobre 89). Dans l’annonce de cette troisième rencontre, les organisateurs/trices donnaient la définition suivante : « Lacano-américain est une métaphore destinée à définir le lecteur de l’œuvre de Lacan, pour qui les problèmes de la transmission n’ont connu ni les avantages ni les écueils du transfert à sa personne ». Ce mouvement donnera naissance à La Convergencia.

La volonté de faire participer des associations de pays européens va prendre forme dans le projet d’un Colloque Européen en 1993 sur la question de la formation des psychanalystes. Ce congrès débouchera sur la création de l’Inter-Associatif Européen de psychanalyse en janvier 1994 à Bruxelles.

L’inter-associatif se dote en plus de sa coordination permanente, d’un comité de liaison européen, constitué au début par les associations françaises.

Puis les associations européennes seront parties prenantes dans la préparation de ce colloque :
Belgique : Ecole Belge de Psychanalyse, Association freudienne internationale ; Questionnement Psychanalytique
Luxembourg : ALEA
Allemagne : Groupe Riss et revue « Diskurier »
Italie : Instituo Lavoro psichanalitico ; revue Thelema ; Casa Biblio de padoue
Espagne : Invencio psichoanalytica ; Jordana Freudiana;
Danemark : Psykoanalytisk Kreds
Suisse :Cosimo Trono

La préparation de ce colloque sera l’occasion de reformuler et préciser la définition nouvelle de l’Inter-associatif.

Dans la mesure où l’Inter-Associatif devient Européen, les associations européennes souhaitent une re-fondation de l’inter-associatif.
La question des statuts pour ce nouvel Inter-associatif est posée, et plusieurs cartels vont travailler à l’élaboration de ces statuts et d’une « réglementation intérieure des coordinations » (Statuts de 1998).

Ceci n’est pas l’Histoire de l’Inter-Associatif, mais une histoire.
Elle est en cours d’élaboration et contient certainement des inexactitudes, voire des erreurs ;
Toutes vos remarques seront bienvenues.

 

Les sources sont essentiellement des documents écrits (archives de l’I-AEP, encore bien incomplètes) ; les indications et éléments que nous recueillons dans les entretiens que nous réalisons avec Fabienne Ankaoua et Jean-Pierre Holtzer sur l’histoire de l’Inter-associatif ne sont pas, pour le moment, repris dans ce texte ; c’est un autre travail, en cours…

 

Des associations pourront être alors membres de l’Inter-Associatif Européen de Psychanalyse, membres de La Convergencia , et les membres de ces associations peuvent être membre de la Fondation Européenne, délégué à l’Inter-associatif et/ou à la Convergencia.